En attendant les réfugiés à Dharamsala

Publié le par Sarah Leduc

D’ordinaire, le centre d’accueil pour les réfugiés tibétains de Dharamsala est bondé de monde. Mais depuis le soulèvement du mois de mars au Tibet, rares sont ceux qui ont pu traverser la frontière pour rejoindre la communauté en exil. Reportage.
 
  • Des réfugiés refoulés aux frontières

Un silence quasi monastique plane dans les couloirs vides du centre d'accueil des réfugiés tibétains à Dharamsala, au nord de l'Inde. Seuls trois lits sont occupés sur les soixante-dix qu'abrite le dortoir. L'étage des femmes est fermé et les ateliers du jardin d'enfants, désertés. Depuis les soulèvements qui ont secoué les rues de Lhasa en mars, les autorités chinoises ont renforcé le contrôle aux frontières et restraint les droits de circulation au Tibet, stoppant ainsi le flux de réfugiés qui gagnent chaque année le Népal, puis l'Inde.

En huit ans de service, Mingyur Youdon, directrice adjointe de l'établissement, n'a jamais vu le centre si calme. Habituellement, entre 2500 et 3000 réfugiés y passent chaque année, à leur arrivée. Nombre d'entre eux sont des enfants et des adolescents, envoyés par leur parents pour recevoir une éducation digne de ce nom, et surtout dans leur propre langue, grâce au réseau d'écoles fondées par le gouvernement en exil.

Beaucoup viennent aussi pour rendre visite au Dalai Lama, avant de repartir dans l'autre sens. En période de Kalashakra, cycles d'initiation du chef spirituel, ils sont ainsi des centaines à affluer, jour et nuit. "En janvier 2005, plus de 800 personnes sont arrivées pour écouter Sa Sainteté. Les dortoirs étaient pleins. On a même dû ouvrir un centre temporaire pour les accueillir", se souvient Mingyur.
  • Un exil forcé

 


Les leçons du maître ne sont évidemment pas la principale motivation des réfugiés. L'oppression chinoise a poussé sur les routes de l'exil quelques 160 000 Tibétains depuis que le Dalai Lama s'est exilé en Inde, en 1959. "Les gens qui arrivent ici ont été privés de droits et confrontés à de graves troubles politiques. Sans cela, ils ne quitteraient pas leur propre pays, explique Mingyur, elle même exilée. On nous force à la fuite". Une fuite qui a un prix. Avant d'atteindre le refuge indien, ces clandestins doivent en effet traverser la chaîne de l'Himalaya, à pied, souvent de nuit et sous la neige afin d'échapper à la vigilance des gardes-frontières chinois.
  • Un périble risqué à travers l'Himalaya

Ngawang Drepsal, un ancien prisonnier politique en convalescence au centre depuis un an, se rappelle sans mal le périple himalayen de quatre jours qui l'a conduit au centre de réception de Kathmandou, au Népal. "On a commencé notre ascension vers une heure du matin et marché pendant six heures dans le froid. La journée, on se cachait dans des buissons, sous la pluie. Mais à cause de la torture en prison, mes jambes me faisaient mal, je n'y voyais rien et je n'arrêtais pas de tomber."
Prenant le risque de marcher avant la tombée de la nuit, il a atteint tant bien que mal la frontière népalaise où l'attendait une jeep, puis un bus, pour le conduire sain et sauf – et délesté des 6000 yuans (environ 560 euros) payés à son guide – à Kathmandou.

De là, le périple s'est poursuivi en bus jusqu'à Delhi, puis Dharamsala. A son arrivée, le centre d'accueil lui a fourni, comme aux autres, une assistance totale: repas, logement, soins médicaux, assistance administrative et financière jusqu'à réception par le Dalai Lama, une audience tant attendue avant d'entamer une nouvelle vie.
Publié dans Aujourd'hui l'Inde, le 18 juillet 2008 (signé sous le pseudo Sarah Jammot)

Publié dans Grand angle

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